Vendredi à 8h30 j’ai pris un café chez Auguste, au bar. Ça devait faire un quart de siècle que je n’étais pas rentré à l’intérieur. Vu de l’extérieur, je savais bien que ce n’était pas la peine d’y entrer… je continuerai à me contenter de la terrasse. Auguste était un bar d’étudiants qui jouaient au tarot… Maintenant c’est un peu trop chic. C’est bien, hein… Mais bon « c’était mieux avant! » (et j’emmerde ceux que ça défrise que je dise ça). C’était un café/bar 1900 qui partaient un peu en lambeaux avec sa moleskine rouge usée et ses grands miroirs dépolis… Maintenant c’est assez chic.
Y’avait un vieux tzigane qui jouait sur un violon pourri, c’est plus le genre de la maison….
J’ai pris la rue Gintrac qui longe la vieille fac de médecine/pharma pour aller jusqu’aux Capu (Les Capucins LE marché de Bx) j’ai acheté de l’herbe à chat, du manchego, des trucs comme ça. Et puis je me suis dirigée vers la flèche.
J’ai photographié cet immeuble de cette rue « modeste » où on trouve des épiceries africaines. En le regardant je me suis rappelé du temps où toutes les façades étaient noires et où les gens de passages disaient que Bordeaux c’était moche et noir. Dans mon coeur Bordeaux était déjà la plus belle de toutes. J’ai fait cette photo pour me rappeler un jour, peut-être bientôt de comment c’était avant la gentrification, avant que les américains, les anglais, les parisiens décident que Bx est la plus belle ville du monde.
Qaint-Mich’ est encore pour quelques années un quartier populaire, avec un misérable marché aux puces, des vieux immigrés assis au pied de la flèche qui papotent : des noirs, des arabes. Mais peu à peu les troquets pas chers et sympas où on boit du thé à la menthe sont remplacés par des petits restaus « tendances ». Quand je suis arrivée en 84, c’était encore le quartier espagnol 🙂 Doux souvenirs des pensions de familles où j’allais manger avec mon frère et de ce restau en terrasse où on mangeait encore pour « rien » dans les années 90. Rien, ça veut dire que les étudiants y mangeaient, côtoyant de vieux ouvriers.
En arrivant au pied de la flèche après avoir jeté un coup d’oeil aux puces, je suis tomber sur un autre homme de bronze tout nu : ça m’a fait l’effet de trouver un oeuf en chocolat dans l’herbe à Pâques!
Je me suis demandé si papa l’aurait bien aimé. On ne peut pas savoir. Moi je l’adore. Je pense que mon père ne l’aurait pas aimé. Mais il pouvait me surprendre souvent. Va savoir. Et j’ai pensé à ce poème de lui que j’ai retrouvé l’autre jour. Il l’avait plus que probablement écrit après avoir fini les bozars de Bx et été reçu au concours d’entrée de ceux de Paris. A la fin des années 40, quelle date je ne sais pas. Vous allez voir que l’amour d’une ville c’est parfois une histoire de famille 😉
Adieu Bordeaux ma ville immense
Au grand ciel triste comme mes yeux
Adieu Garonne chantant toujours
Le Printemps, le soleil, le midi, l’amour
Passe ta route majestueuse
Adieu la Flèche… Adieu Ste Croix
Pierres d’or sur font d’azur
Adieu mes toits et mon accent
Adieu coteaux, riches de vins et de couleurs
Comme nos vieux vignerons et nos fiers châteaux
Adieu Bordeaux, adieu ma ville
Soleil, vins, gaité, adieux souvenirs…
Je pars sans retour
Je m’en vais au pays mauvais
Où les lumières rouges cachent les étoiles
Où l’eau rapide coule toujours sale
Où les gens tristes sont toujours pâles
Ils marchent vite comme le progrès
Progrès des machines d’acier
D’acier froid comme la mort
La mort des hommes
La mort…
Personnelement je me serais passé des strophes sur la mort qui n’apporte rien. mais bon : quitter Bordeaux… C’est la mort pour mon père! Et Paris ne lui fait guère envie! Je ne sais pas pourquoi il avait se pressentiment qu’il ne reviendrait jamais!? Quand j’y habitais de son vivant il n’ai jamais venu me voir… je ne suis pas certaine qu’il y soit retourné plus d’une fois : pour la soutenance de doctorat de Mi Hermano n°2, ce que je continue à trouver vexant : fallait-il passer un doctorat pour avoir le droit à sa présence dans une ville où il avait tant aimé grandir?
Ma promenade n’est pas terminée. Je continuerais peut-être demain.
Un abrazo. prenez soin de vous.